5 juin 2009

Le rire de l’Arbre


Imaginez un petit bois dans une forêt .Juste à la sortie de Gdyel, en allant vers Kristel. Là où il y a trois sources d’eau, deux puits et une fontaine. Un petit bois. Calme. Vert. Ensuite imaginez un Arbre. Pas n’importe lequel ; mais un Arbre centenaire qui a vu toutes sortes d’intempéries. Regardez cet Arbre qui vous regarde et écoutez le vent du matin.
L’Arbre a saigné et, parait-il a parlé. Il résiste quand on vient l’abattre. Au premier coup de hache, certains parlent de bulldozer, le sang a giclé, et les voix du fond de la terre, se sont élevées. L’homme chargé de la besogne s’est trouvé mal. De son délire naquit la rumeur. La foule se déplaça de partout pour honorer l’Arbre, toucher son sang et écouter sa parole. Il aurait dit beaucoup de choses. Les femmes y déposèrent des bougies, car tout près il y a Sidi Senoussi. Les hommes suivaient et collaient l’oreille contre l’écorce. Les enfants s’amusaient. Ils riaient. Pour eux, il n’y avait pas de mystère : « Un Arbre, ça ne parle pas ! »
En quelques jours, l’Arbre devint un lieu de pèlerinage, un saint. On venait écouter ce que la mémoire collective n’osait pas dire. L’imaginaire populaire, harassé par la vie moderne dans la ville, se déchaina autour de l’évènement. Le fait devint une histoire merveilleuse que chacun racontait .Cela prit des proportions inquiétantes. Les pompiers accoururent pour disperser la foule qui gênait la circulation. L’architecte qui a construit le bâtiment face à l’Arbre est devenu fou. L’Arbre fut sauvé .Le mythe a disparu.
Adaptation de deux textes de Tahar Ben Jelloun (Les amandiers sont morts de leurs blessures. Edition Voix. Maspero.1983)

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